Il est a priori prévu que la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) entre en vigueur dans un futur proche, en même temps que le brevet européen à effet unitaire.
Certains prédisent une entrée en vigueur de cette nouvelle juridiction au deuxième semestre 2022 ou au premier semestre 2023 (communiqué du 06.04.2022 de la JUB).
C’est l’occasion d’une brève explication sur le brevet européen à effet unitaire et sur la JUB.
1/ Brève explication sur le « brevet européen à effet unitaire »
Un brevet européen actuellement délivré doit être validé et maintenu en vigueur individuellement dans chaque pays où le titulaire souhaite une protection. Dans ce processus dit de « validation d’un brevet européen », les exigences de validation varient d'un pays à l'autre et peuvent entraîner des coûts directs et indirects élevés (traductions, taxes, frais de représentation connexes, tels que les frais de mandataires facturés pour l'administration du brevet (notamment du paiement des taxes annuelles nationales)). Ces coûts dépendent ainsi du nombre de pays où le titulaire souhaite valider son brevet européen.
Et chaque année, il est nécessaire de maintenir en vigueur le brevet européen par le paiement d’une annuité dans chacun des pays retenus.
Pour remédier cette situation, il a été réfléchi depuis longue date à un « brevet européen à effet unitaire » dont les caractéristiques majeures vous sont explicitées ci-dessous.
a) Le brevet unitaire a comme objectif de supprimer la nécessité de procédures de validation nationales complexes et coûteuses.
Il s’agit d’un brevet européen pour lequel, après sa délivrance, il est sollicité un effet unitaire sur un ensemble de pays (à ce jour 17 Etats, à savoir : Autriche, Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Suède, Lituanie, Lettonie, Slovénie).
En bref, avec des formalités réduites, on pourra couvrir 17 Etats, et ne payer qu’une seule annuité par an dont le coût est relativement réduit par rapport au coût des 17 annuités qui auraient été nécessaires.
L’économie dépend toutefois des pays dans lesquels le breveté a l’intention de solliciter une protection. Selon les pays, leur nombre et leur adhésion ou non au Protocole de Londres (protocole limitant les exigences de traduction lors des validations).
Des validations nationales peuvent ainsi parfois demeurer économiquement préférables.
b) Le brevet unitaire a par ailleurs comme objectif d’éviter de devoir multiplier les actions contentieuses dans plusieurs pays, avec un risque de décisions contradictoires.
Les actions contentieuses concernant un brevet européen à effet unitaire, en particulier les actions en contrefaçon et les actions en nullité, devront être portées devant une unique et nouvelle juridiction : la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB).
Les décisions rendues par la JUB produiront le même effet (effet « unitaire ») sur l’ensemble du territoire des 17 Etats précités.
Pour un breveté faisant face à une contrefaçon commise dans plusieurs des 17 Etats précités, il peut alors être évité d’avoir à engager plusieurs actions nationales parallèles pouvant avoir des résultats divergents. Recourir à la JUB présente ainsi un intérêt pour un breveté.
Le revers de la médaille est que, si un brevet européen à effet unitaire est invalidé à l’issue d’une action en nullité, le breveté perdra sa protection sur l’ensemble du territoire des 17 Etats membres participants. Un potentiel contrefacteur pourra ainsi plus aisément « libérer » un certain nombre d’Etats par une seule et unique action.
La JUB augmente ainsi l’intérêt pour un tiers contrefacteur de recourir à une éventuelle action en annulation à titre principal (et préventif) à l’encontre d’un breveté, sans même attendre une attaque pour contrefaçon.
c) Le brevet unitaire a également comme objectif de simplifier la gestion au moyen d’un registre unique.
L'OEB tiendra un nouveau registre de la protection unitaire conférée par un brevet qui comportera toutes les informations sur le statut juridique concernant les brevets unitaires, par ex. les licences, les transferts, la limitation, la révocation et l'extinction.
Il n’y aura plus besoin d’inscriptions multiples dans les registres nationaux des brevets, pays par pays pour les 17 Etats précités : une inscription au registre de la protection unitaire de l’OEB suffira.
2/ Brève explication sur la « Juridiction Unifiée du Brevet »
Il s’agit d’une juridiction (tribunaux de première instance, cour d’appel, greffe) totalement nouvelle.
La JUB aura notamment une compétence exclusive pour statuer sur la contrefaçon et la validité de brevets européens à effet unitaire et de brevets européens "classiques" (c’est-à-dire déjà délivrés et ayant fait l’objet de validations nationales) qui seront soumis à sa juridiction.
Comme expliqué précédemment, cette juridiction a pour ambition de permettre aux titulaires de brevets d'éviter les coûts élevés, ainsi que les risques et la complexité considérables qui résultent de litiges multiples engagés auprès d’une pluralité de juridictions nationales. On peut toutefois nuancer cet avantage relatif aux coûts : les brevetés à même d’engager des actions devant plusieurs juridictions nationales sont généralement des brevetés pour lesquels la problématique des coûts n’est pas une préoccupation de premier ordre.
La JUB sera composée de juges spécialisés et hautement qualifiés, y compris des juges qualifiés sur le plan technique qui auront probablement une meilleure compréhension technique des inventions et de la contrefaçon.
Elle devrait établir une jurisprudence harmonisée et augmenterait la sécurité juridique.
L’objectif affiché est de rendre des décisions en 12 mois, ce qui est très court par rapport à ce qu’on peut connaître actuellement devant les Tribunaux nationaux.
Il y a toutefois un risque inhérent à recourir à la JUB dès lors qu’il s’agit d’une juridiction nouvelle : ses règles de procédure n’ont pas encore été éprouvées, et on ignore les tendances qui animeront sa jurisprudence.
On peut estimer que plusieurs années seront nécessaires pour avoir une bonne appréhension du fonctionnement de la JUB et de sa jurisprudence.
Les questions juridiques ne manquent pas, à commencer par l'existence légale de la JUB elle-même. En effet, pour parvenir à faire "entrer en vigueur" celle-ci, le Conseil de l'Union Européenne et le groupe exécutif du comité préparatoire de la JUB se sont livrés à quelques interprétations de texte que certains spécialistes ont déjà pointé du doigt comme légalement critiquables.
Si l'entrée en vigueur de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) et du brevet européen à effet unitaire peut constituer une opportunité pour les brevetés, des conséquences parfois complexes existent.
Notre Cabinet se tient naturellement à votre disposition pour tout complément d'information sur ces évolutions législatives, et pour mener avec vous une réflexion sur les choix et possibilités qui vous sont offerts.
Il importe en effet de bien réfléchir à la stratégie à adopter pour la gestion de votre portefeuille de brevets européens et demandes de brevet européen.
Quelques liens utiles :
- cadre législatif du système du Brevet Unitaire :
o Règlement (UE) n° 1257/2012 : cliquer ici
o Règlement (UE) n° 1260/2012 : cliquer ici
o Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet : cliquer ici
- explications par l’OEB sur le Brevet Unitaire : cliquer ici
- explications par l’OEB sur la Juridiction unifiée du brevet (JUB) : cliquer ici
- guide du Brevet Unitaire par l’OEB : cliquer ici
- site Internet de la Juridiction unifiée du brevet (JUB) : cliquer ici